Qu’on revisite le surréalisme en choisissant d’en montrer
les productions qui réutilisent des « objets usuels »[1], le
parti pris est celui de Francis Ponge : celui des choses. Outre que
l’imaginaire ne tombe pas des nues et vient avec des mots, ce qui se produit
n’est pas sans rapport avec ce que porte la chose ouvrée de propositions
d’actions. Au lieu de sonder ce versant non mécanique de l’emploi des
ustensiles qui ne voit dans la technique qu’un ensemble de moyens, il est temps
de reconnaître l’humanité de la technique dans ce fait d’analyse des fins
incorporé aux matériels et aux produits par leur fabrication.
Tel philosophe peut déclarer que la GPA risque de passer
pour une technique en ajoutant que la technique manque d’humanité. Il reprend
ainsi la réduction mécaniciste de la technique. Comme le GPS, la GPA est
technique qu’on le veuille ou non ; elle n’est pas sans produire des
effets au-delà de ceux que son constructeur avait envisagés. Il reste qu’elle
n’est pas qu’une technique. Des projets de société sont modifiés, voire
menacés. Mais en se focalisant sur l’indifférence de la technique qui n’a que
faire de nos visées sociétales, on manque l’étude et l’appropriation d’un fait
nouveau : la GPA produit une autre famille avec trois parents dont un, géniteur,
troisième venu qui rompt la relation de complaisance mutuelle entre les deux
autres. N’est-ce pas le principe de constitution de la société qui se trouve
ainsi renouvelé ?
Victor Brauner réutilise[2] la
table, mais comment ? Le processus en cause est-il l’imaginaire et la
représentation ou l’action et la technique ?
Si je m’en tiens à l’apparence de la table, elle présente
des pieds qui imposent l’objet pattes. Le réaménagement d’un pied de table
suffit pour produire cette image.
Si je fais attention à la séparation entre la tête du loup
et sa queue, séparation introduite par le découpage du loup et fixée par la
table, je mesure la distance abstraite intégrée à l’œuvre sculpturale entre le
moyen fabriqué qu’est la table et le corps entier de l’animal. La table
n’est pas faite pour manger, on y mange en raison d’un plan surélevé vers nos
bras qui fournit une base et stabilise les choses qu’on y pose. Sa forme
sensitive n’est plus en cause mais la mise à plat du monde sur un même
plan : partant, plus de hiérarchie entre la tête et la queue. Cet effet de
sens nous est donné par l’emploi de cette table. Nous le devons aux dispositifs
de planage et de stabilisation qu’est la table, sachons le reconnaître.
14-11-13
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