En trois heures, il est difficile de
présenter l'ergotropie, de la situer dans le cadre de
l'anthropologie clinique médiationniste, d'en faire valoir les
exploitations, mais nous l'avons fait et dans la gaité des
chantiers. Il faut dire que les spectateurs étaient facteurs et ne
se privait pas d'intervenir. Au bout du compte, nous avons obtenu ce
que nous n'attendions pas.
D'abord, un chemin de planches
surprenant par des passages accidents qu'ont su aménager les plus
téméraires d'entre nous. Au lieu de veiller à la sécurité du
chemin vers la porte, certains ont compliqué la manœuvre en
introduisant des plans obliques non stabilisés, des plateaux
glissants qui ont en conséquence amenés l'aide du public, pour
éviter les glissements et les basculements. Ce qui en finale a
démontré la nécessité de l'attention en dépit de l'assurance
trouvée dans les dispositifs mis en place. L'outil coexiste avec
l'instrument dans toute activité et la marche sur un chemin de
planches en est une.
Pour faire valoir la machine au titre
de l'analyse de l'outil, nous avons planché encore sur un mannequin,
sorte de portant el en barre de fer doté de bras par accrochage. Ce
sont ainsi une brosse en fausse symétrie avec une épuisette qui
propose leur manche articulé. Accroché encore un sac transparent de
feuilles d'érable. Ce matériel est joint à un tableau sur béquille
qui offre une grille à double entrée sensé présenter les
possibilités virtuelles de rencontre de « nécessaires à »
variés, mais pas tant que ça. Verticalement : un rouleau de
ruban adhésif en aluminium brillant, un cordeau en pelote relié à
un manche, un dévidoir ; horizontalement : une pelote de
fil d'emballage, un rouleau de fil de nylon avec poignées. Proposer
des nécessaires quasiment identiques vise à montrer que chacun
selon sa technique en extrait des dispositifs différents.
Que s'est-il fait ?
D'abord, expliciter le mode d'emploi de
la grille en précisant que les cases vides sont à remplir par des
actions qui font se rencontrer par croisement deux dispositifs au
moins. Puis indiquer que le lieu d'action est ce portant.
Les hésitations font partie de
l'expérience : on oppose deux pelotes pour parler du cordeau du
maçon, comportant le matériau de la douceur opposé à la rugosité
du fil d'emballage. Les petites différences utiles sont évoquées
comme celles qui se réalisent à travers les manches de marteau et
qu'une frappe ordinaire, avec ou sans index séparé de la poigne
pour assurer un plan de frappe, ne repère pas toujours. Vient enfin
la manutention du dévidoir et de la pelote de fil . Après avoir
hésité une nouvelle fois quant à savoir ce qui devait être vu à
travers le « nœud marin » (du nouage) et constaté que
la machine était déjà là par la manutention de la pelote pour
l'enroulage, un constructeur entreprend de se saisir de la pelote
liée au manche pour passer le fil à travers la tête du mannequin :
question : quelle machine est alors mise en action ?
L'enfilage sans aiguille est alors invoqué mais avec quoi ?
Réponse : ce qui est ordinairement le plus souvent employé le
dispositif de manutention. Puis un enroulage intervient pour lier le
fil au mannequin. Question nouvelle : l'enroulage est-il en
rapport de machine avec l'enfilage ? Le problème est de
distinguer dans l'ouvrage les dispositifs juxtaposés de ceux qui
forment une machine, l'un étant intégré à l'autre.
Une autre manipulation met en
concurrence pour mettre en mouvement le mannequin une constructrice
qui opère avec le dévidoir après avoir noué le fil à la brosse
et un constructeur qui procède avec le long manche attaché à la
pelote. La question est alors de savoir ce qui différencie les
machines mises en action : finalement, on en vient à opposer
l'amplification du geste et la prolongation du bras présentes par le
long manche tenu en main à la transmission simple de la
traction-manutention du dévidoir. L'important est de ne pas
confondre le service qui est rendu par la machine, le fait d'élever
les bras du mannequin, avec la machine elle-même qui gère cette
action.
Quoi qu'il en soit, ce tableau de
rencontre de dispositifs fait aussi valoir des rencontres de
techniques différentes : nous ne « parlons » pas
tous la même technique.
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