vendredi 16 octobre 2015

Interview FabQuest


Thierry Lefort et Gilles Le Guennec, autour de La Fabrication en Questions au Forum du Livre le 15 octobre 2015
Podcast

 




TL: Quelques questions :

Ce livre renouvelle l'approche que l'on a traditionnellement de la technique. Il poursuit la démarche de déconstruction entreprise par l'épistémologue Jean Gagnepain et le neurologue Olivier Sabouraud qui inscrivent la technique dans les sciences humaines, non pas comme un ensemble de phénomènes  annexes mais comme une dimension de l'humain aussi importante que le langage, la société ou le droit. 

Jean Gagnepain et Olivier Sabouraud ont posé les bases à la fois théoriques et cliniques de cette science de la technique qu'est l'ergologie.


Quel est l'apport de Gilles Le Guennec à cette théorie du raisonnement technique qu'est  l'ergologie ?

D'abord, il ne s'agit pas pour moi de faire valoir une particulière originalité. Je me suis toujours efforcer de me situer dans les sillons tracés par le maître, aussi servile que puisse paraître cette obédience. Car pour entendre la parole de Jean Gagnepain, qu'on savait beaucoup plus débridée que ses livres, il a fallu se taire et écouter. Bien souvent j'ai cru comprendre ce qui se disait dans ses cours et ses séminaires et l'expérience patiente m'a dissuadé de continuer dans la voie de certaines interprétations qui se sont avérés des malentendus. J'ai mis du temps, par exemple, à me débarrasser de l'idée que l'instrument faisait référence à une capacité d'action approximative et je confondais ainsi instinct et intuition. J'ajoute que j'ai inséré un glossaire dans le livre pour tenter de réduire ces malentendus, ce ne sont que des sens provisoires mais ils aident à comprendre la nécessité des glissements de sens auxquels était contraint Jean Gagnepain.
Ensuite, et cela explique la complexité du glossaire, les mots de Jean Gagnepain étaient forts des échanges qu'il entretenait avec la neurologie par Olivier Sabouraud. Ses mots m'ont ouvert des perspectives que je n'ai entrevues chez aucun autre penseur et particulièrement chez les penseurs de l'art. Et paradoxalement en resserrant le propos d'étude : en évitant comme il le disait de parler la bouche pleine. Je commencerai par rendre hommage au maître en soulignant combien le principe de déconstruction m'a apporté avant que j'essaie moi-même de faire valoir quelques bribes quant à la manipulation. Nous devons être prudents en parlant de déconstruction car on pourrait entendre que le terme équivaut à un rapport critique aux textes ou aux choses. Alors qu'il s'agit de déconstruire les rapports au réel en quatre réalités : langage, art, société et droit que tu viens d'évoquer. Ce qui est en cause ici, c'est l'art entendu comme activité quelle qu'elle soit, considérée comme faisant partie des beaux-arts ou relevant des arts et métiers.

TL: Cette analyse de la technique est mise en perspective avec un champ d'application qui est celui des arts plastiques. C'est uniquement pour des raisons historiques, qui tiennent au fait que vous ayez enseigné les arts plastiques à l'université Rennes 2, ou est ce que ça répond aussi à d'autres nécessités ?

Bien sûr, l'analyse de la technique peut être dite par les mots, mais ce n'est alors qu'une étude lointaine de ce qui a lieu dans le faire lui-même. Conformément à une volonté de ne pas privilégier le logos, j'ai visé ce qu'il désignait par le tropos, autrement dit, l'activité. En conséquence je me suis particulièrement intéressé aux choses telles qu'elles font en déplaçant l'anthropologie vers une ergotropie, le mot est de Jean Gagnepain. Pourquoi j'ai choisi ce rapport aux choses ? Bien sûr, ma situation d'enseignant en arts plastiques confronté quotidiennement à divers ateliers et chantiers, à différentes techniques me plaçait devant ce qui se passe de mots. Maintenant, prendre la main plutôt que la parole, conduit à une impasse, celle du silence. Et pour sortir de cette zone d'abandon, je n'ai cessé de souligner que l'analyse était déjà là, en actions outillées. J'ai tenté de le faire valoir par des productions analytiques dont le principe est de revenir sur les conditions de la conduite qui ont produit l'ouvrage. Toutes les propositions d'atelier qui sont contenues dans l'anti-manuel procèdent de ce principe. Des détracteurs peuvent rétorquer que c'est le serpent qui se mord la queue. Serpent ou chat si l'on est bienveillant, ne renvoient ainsi qu'à la conduite humaine où chacun tente d'agir sur les choses avec l'impuissance relative de sa technique. On ne peut pas occulter le rapport de médiation par l'outil qui nous empêche d'être totalement à notre affaire pour gérer en même temps la technique qui la traite. Le livre a ses limites, le DVD vidéo aussi, mais leurs promesses comptent aussi.

TL: Vous avez sous-titré votre ouvrage un "anti-manuel" et pas un "manuel". Ce n'est donc pas un livre de recettes ? À quel public s'adresse-t-il ?

Le terme d'anti-manuel voudrait indiquer qu'il s'agit de porter son attention non plus tellement sur le produit que sur le processus qui y a conduit. Cela implique de ne pas privilégier l'apparence du résultat pour le mettre en rapport avec la façon de faire qui a été mise en action. Ça ne veut pas dire pour autant que l'esthétique n'a pas sa place, la plastique n'est pas absente de mes préoccupations mais sous conditions, nous y reviendrons. Le livre est plutôt destiné aux enseignants et aux étudiants en arts plastiques mais aussi aux anthropologues qui ont suivi la pensée de Jean Gagnepain. J'ajoute qu'il pourra satisfaire ceux qui veulent échapper par une analyse à la fascination de l' « objet d'art ».

On parle de Roland Barthes aujourd'hui à l'occasion du centième anniversaire de sa naissance.  
A l'opposé d'une "sémiologie", qui tente de rapporter tous les faits humains au Signe, c'est-à-dire à du langage, vous opposez une ergologie qui se fixe pour objectif d'expliquer le raisonnement technique sans recourir à la métaphore du langage. 

Le terme d'ergologie fut aussi employé par Roland Barthes mais il est vrai qu'il n'a pas été suivi de développements dans le sens d'une importance accordée spécifiquement au faire, même s'il a cultivé l'écriture en tant que technique de signe. L'époque de la sémiologie tous azimuts a eu pour conséquence un discrédit quant à ce qui pouvait être énoncé sur l'art avec la grille sémiologique. Et, pour ma part, les plasticiens que j'ai rencontrés ont toujours été réticents à entendre un propos qui provenait d'une analyse du langage. On se méfiait surtout d'une transposition analogique qui pouvait friser la colonisation de l'art. Maintenant, les linguistes ont eu leur heure de gloire et il y a plutôt à craindre une dispersion des analyses et une confusion généralisée liée à la focalisation sur le sujet. À l'opposé, l'ergologie suppose le décentrement du sujet vers la raison technique.



TL: On trouve notamment le terme de "fabriquant" alors qu'habituellement on le voit plutôt orthographié "fabricant". Quelle différence faites-vous entre ces deux homonymes ?

Je ne vois pas tellement d'enjeux à éviter le fabricant avec un « C » qui désigne l'industriel producteur de l'ouvrage, j'en profite même pour relever l'importance du fabricant de livre, un producteur de pensées en pleine évolution avec le numérique. Pour en venir à ce qui m'intéresse : à la place de la sémiologie du signifiant et du signifié, par transposition, c'est de fabriquant et de fabriqué qu'il est question. Quels sont les enjeux ? Principalement le fait qu'on identifie la technique à un ensemble de moyens et qu'il s'agit maintenant de la considérer autant comme un ensemble de fins qui déterminent les choses à faire avant toute action entreprise. Prenons l'exemple d'une chaise : elle réalise un fabriquant par des qualités utiles, la solidité de son bâti, la souplesse du siège et par des quantités utiles, une base à quatre pieds, un siège et un dossier ; elle propose aussi un fabriqué : spontanément, on délaissera une chaise bancale car alors le dispositif de stabilisation n'est pas assuré mais la stabilisation ne suffit pas (elle ne rend pas la chaise stable pour autant) pour que vous ayez confiance en prenant la chaise. Vous pouvez sentir que ses barreaux commencent à se déboîter et vous vous dites qu'il manque la consolidation. La machine du « pour s'asseoir » n'est pas nécessairement là dans toute chaise. Et finalement, vous pouvez vous tenir penché sur une chaise au risque de la rendre instable. La technique est inefficace. Mais reconnaissons qu'une chaise libère la pensée du poids du corps ; on peut presque dire qu'elle fait penser : en nous offrant de la défatigue, on a tout loisir de parler et d'écouter en négligeant la gestion de notre masse musculo-squelettique.

TL: En quoi cette analyse anthropologique de la technique est différente d'une philosophie de la technique ?

Lorsque la philosophie envisage l'étude de la fin, notamment par la téléologie, elle l'assimile à une recherche des intentions, à la mise en évidence des buts qui sous-tendent l'action. On n'est pas sorti du rapport à la finalité sans fin avancé par Kant dans l'analyse du jugement esthétique. C'est une des difficultés de l'analyse proprement ergologique que de faire la distinction entre la chose à faire et le projet visé. C'en est une autre de circonscrire le fabriqué, autrement dit de saisir la fin telle que la technique l'organise matériellement par des dispositifs . L'analyse est vite plombée par la recherche du sens : c'est l'angoisse du non-sens qui amène à ignorer ce qui s'est produit techniquement à l'insu du constructeur. Le sens de la chose ouvrée, on le trouve dans le service qu'elle nous rend mais notre attention au service à rendre, nos interrogations silencieuses - à quoi ça sert ?- nous font oublier le fonctionnement de la technique elle-même qui ignore nos intentions et aussi nos actions toujours particulières. Du coup, en face de la structure fabriquant/fabriqué, l'action impose une nouvelle structuration du faire. Structure et dialectique sont donc à considérer...
Les critiques de la technique sont nombreux en philosophie : elles sont toutes basées sur l'absence d'être, la négligence de la condition politique de l'humain. En entrant dans la raison technique, l'ergologie met entre parenthèse l'avenir historique et le bien de l'humain pour donner toute sa place à ce qui fait aussi l'humain, sa capacité d'outil.

TL: Quelle place doit avoir, selon vous,  l'activité dans l'analyse de la technique ?


Il y a un néologisme que m'a fourni Jean Gagnepain pour désigner comment l'activité elle-même et non plus le langage, comme dans la métalinguistique, comment elle pouvait mettre à jour ce qui se fait quand on fait : la méturgie. La production peut faire retour sur elle-même en questionnant sans mot, par des expériences de manipulations diverses les constructeurs et les exploitants : comment ça s'est fait et comment ça ne marche pas. Peut-on mettre à jour un inconscient technique ? A priori on ne peut pas ; on peut toutefois cesser de penser qu'on maîtrise tout et se rendre compte que ce qui s'est fait tient à telle ou telle technique employée. Bien sûr, il ne s'agit pas non plus de congédier l'implicite freudien, il s'agit de promouvoir du trajet en oubliant provisoirement le projet. Ce qui veut dire que l'ergotrope va s'intéresser à la prise des choses en tant qu'action confrontée à des moyens et des fins préorganisés indifférents à la chose à faire.

TL: Vous entrez dans une analyse approfondie d'un "modèle de l'outil". Quel est cet "outil" dont vous parlez et que vous opposez à l'instrument ?

Si j'oppose le moyen et la fin de l'action aux moyens et aux fins techniques, c'est parce que je reprends la distinction apportée par l'anthropologie clinique médiationniste entre la capacité d'instrument, la praxie, et la capacité d'outil, la technie qui sont révélées neurologiquement par défaut en cas de pathologie accidentelle, notamment (il y a parmi vous des soignants qui en ont l'expérience). Lorsque vous assistez à l'étrange conduite de quelqu'un qui dispose de sa capacité à analyser sa motricité en terme de mis en rapport du moyen avec la fin mais qui se trompe d'ustensile et met à l'oreille une allumette enflammée au lieu du combiné du téléphone, vous vous dites que le mode d'emploi de la chose ouvrée la plus simple, n'est pas évident pour tout le monde. La dualité de la conduite en ressort principalement et c'est un enjeux actuel de considérer qu'on est attentif par praxie et négligent par technique. Attentif à mettre en rapport le moyen avec la fin et négligent parce que nous savons que la technique œuvre pour nous : quelle que soit l'activité, à la plage comme au boulot, chacun est à la fois attentif et négligent, deux conduites contradictoires et pourtant co-présentes. Un exemple : feuilleter un livre, ce n'est pas le lire ; la reliure délivre des pages de lecture avec un début et une fin qui ne sont pas ceux du propos. Il y a alors une production d' « objets » qui ne sont pas exactement des objets de pensée, mais des actions qui enchaînent des trajets faits de moyens et de fins. L'activité de lecture s'analyse alors comme une production par pliage et rétention avec le pouce de la main, notamment. L'attention consiste par exemple à rechercher tel passage qu'on a déjà lu en relisant le texte avec un mot en tête, la négligence technique, à se servir des marques-pages, des signets ou autres marques.

TL: L'ouvrage s'organise autour de notions qui sont ensuite mises en œuvre dans des propositions d'activités. Quelle est la logique/progression de la table des matières ?

Dans un premier temps, il est question de savoir de quoi il ne sera pas question : c'est le préambule sur la déconstruction, c'est aussi le chapitre qui oppose le trajet à l'objet. Puis le livre transcrit la dissociation des rapports au moyens et aux fins : mécanologie et téléologie, pour finir par une mise en évidence des modalités de production : utilitaires, magiques et plastiques.

TL: Comment finiriez-vous votre pratique de plasticien et comment se nourrit-elle de votre expérience de chercheur ?
 L'avantage de la position de plasticien dans le contexte de l'art contemporain est qu'il s'intéresse à tout. Tout peut faire le trajet d'une attention plasticienne ; mais vient tout de suite un bémol : il y a à faire valoir une réalité qui n'est pas celle de l'existence socio-artistique de l'art même lorsqu'elle prend parfois le nom « d'art modeste», car c'est l'activité technique qui m'intéresse. Et incidemment, Marcel Duchamp n'a pas seulement fait valoir l'institution par ses ready-made... Il faudrait reconsidérer à cet égard « les machines célibataires », celles qui présentent un dysfonctionnement et en particulier le Grand verre qui présente des brisures accidentelles, des performances discrètes comme le stoppage étalon : un fil droit horizontal d’un mètre de longueur tombe d’un mètre de hauteur sur un plan horizontal en se déformant à son gré, ceci donne une figure nouvelle de l’unité de longueur. Il me paraît se situer dans la fabrication au sens où l'ergologie l'entend de désinvestissement de l'outil.
TL: A titre d'exemple vous êtes venu avec une production qui assemble une certain nombre de dispositifs. A chaque étage correspond un ensemble d'éléments qui se rapportent chacun au même principe technique, en dépit des apparences qui nous les font classer habituellement dans des catégories "socio-techniques" comme on le dit improprement, distinctes. Il y a une clé d'analyse qui ne surprendra pas ceux qui connaissent vos productions ou qui ont suivi votre enseignement.

Comment peut-on les définir ces "objets"?
 Le principe de classement des machines en fonction d'une identité de fonctionnement, autrement dit par tâche, selon la terminologie ergologique, aboutit à des rapprochements très surprenants : il y a quelques jours, la une du journal Le Monde montrait un des deux hauts responsables d'Air France enjamber un grillage pour éviter de se faire encore molester ; l'identification technique va vous paraître scandaleuse, mais techniquement, pas de différence entre ce fait et le franchissement d'une frontière par un réfugier migrant. Le spectaculaire dans cette affaire, c'est l'indifférence technique qui peut résoudre de façon heureuse ou horrible les problèmes socio-économiques par un mode de résolution qui ne trompe personne mais qui est cependant agissant indépendamment de nos volontés politiques.
TL: S'il y a une caractéristique commune au présentoir et aux objets présentés au sommet c'est qu'ils tournent. Quelles interactions entre tous ces objets rassemblés et ordonnancés ici ?
/Rotation
On redécouvre ici l'invention de la roue : avec cette différence importante, c'est que la roue ne fait pas la rotation, c'est pourquoi on dissocie l'engin, l'unité de moyen technique et la fin, identité de fin technique. Dans la roue, il y a bien plus qu'une unité de moyen : il y a la forme ronde, sa solidité, sa stabilité, et il y a plus que la roue : un trou qui va accueillir l'axe. Pour qu'il y ait rotation, il faut tout ça et un changement de perspective qui place le constructeur devant du nécessaire « pour rouler ». Car à elles toutes seules, mécaniquement, les unités de la roue ne font rien qu'élaborer et structurer le moyen.
La difficulté et la nouveauté de l'ergologie, c'est qu'elle considère la technique non plus seulement comme un ensemble de moyens mais comme un ensemble de fins matériellement organisées, c'est-à dire avant même d'entreprendre quelque chose, c'est déjà fait, pas totalement mais il faut ensuite faire avec.
Quant à la rotation qui est ici exposée, on voit que le DVD voisine avec cette rondelle qui tourne ; ce qui suggère qu'on peut voyager de deux façons : on fait tourner les roues de voiture pour se déplacer ou le disque du DVD dans l'appareil en restant sur place.
TL: Sans qu'il n'y ait aucune hiérarchie entre les dispositifs présentés, à l'étage inférieur on retrouve tout ce qui est relatif à de la canalisation.
 La canalisation paraît évidente par le tuyau, elle l'est un peu moins lorsqu'il s'agit d'une plinthe qui masque et canalise les fils électriques. Le tuyau est parfois source de confusion : c'est ainsi qu'on a accusé l'Allemagne de fournir des armes à l'Iraq avant la guerre du Golfe malgré l'embargo, tout ça parce qu'on a confondu, vus d'avion, les tronçons de pipe-line avec des canons.
TL: On poursuit avec une attention non pas à l'éclairage mais à la réflexion / réfraction
 En opposant l'éclairage à la réflexion, on touche à la réalité du dispositif technique : il fonctionne indépendamment du service qu'on en attend. L'éclairage n'est pas l'éclairement et l'on n'attend pas des lampes uniquement un éclairement ; beaucoup de services les plus divers sont gérés par éclairage : séchage des encres en imprimerie, chauffage des poussins dans les couveuses, saturation de certaines couleurs pour la présentation des fleurs et des mets, etc.
La réflexion aussi produit un éclairement supplémentaire : un miroir fait souvent l'affaire pour apporter de la clarté dans une pièce.
Qu'est-ce qui oppose la réflexion à la réfraction ? Une réalité physique, le fait que les rayons rebondissent sur une surface dans un cas alors qu'ils sont déviés dans l'autre ? L'ergologie pense les choses autrement : c'est le fait qu'il existe un dispositif technique qui assure de la réfraction qui fait exister une réalité différente. La physique est toujours outillée.
TL: L'accrochage est une préoccupation centrale chez le plasticien qui est amené à présenter son travail. A quoi cela tient-il, si ce n'est à un fil, pour que cela fonctionne ?
Le plasticien fait la différence entre l'accrochage et l'exposition. Et notamment, celui qui a en charge de mettre pleinement en lumière ce qui est exposé, ce qui va de pair avec le coup d'oeil final. C'est à ce moment là que l'attention est cruciale car tous les dispositifs de l'exposition sont à faire converger par synergie. Et le commissaire sait que chaque dispositif peut faire n'importe quoi : il redoute sa polytropie : une pièce peut s'autodétruire par son propre poids, c'est pas ce qu'on attend d'un dispositif de présentation comme le cadre qui plombe l'ensemble.
Le fil assure une suspension, mais on voit que ce n'est pas le seul service qu'on en attend : chaque ustensile présenté peut ainsi tourner sur lui-même et faire valoir sa présentation selon tous les angles. Mais même si ça tourne, il n'y a pas rotation par le fil, tout au plus du nouage-suspension.
TL: Grille et grillage pour terminer : c'est d'organisation de l'espace dont on va parler ici.
On pourrait encore ajouter le zonage qui est sur nos écrans d'ordinateurs comme dans nos jardins et nos villes. Le dispositif en cause est à haut rendement...
Se présentent à nous des réalités en apparence très différentes et pourtant, le principe de fonctionnement est identique, qu'on gratte une carte de chances, qu'on laisse passer l'eau ou qu'on sectorise un circuit imprimé, finalement on fait techniquement pareil même si on ne fait pas la même chose.
Conclusion :
La technique fait nos conduites à notre insu, c'est pour ça (j'insiste sur le ça!) qu'on peut parler d'un inconscient technique qui sous-tend nos gestes les plus quotidiens et qui paraissent les plus simples, à commencer par ceux de la toilette :
Face au miroir, par exemple, j'ai la technique avec la main droite et sans problème le gant frotte là où la main va sans regard, mais je perds la main si j'opère de la main gauche et je suis obligé de faire attention et l'oeil reprend le contrôle. C'est encore plus net avec des ciseaux et que vous voulez couper une mèche de cheveux.

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