lundi 5 février 2007

Le travail a ses raisons


Qu'est-ce que l'ergotropie qui justifie ce blog? Une raison de faire principale, la raison que toute activité incorpore qu'elle ait lieu à main nue ou dotée d'un équipement complexe, qu'on s'y prenne comme un manche ou avec grande ingéniosité, que le résultat soit hautement performant ou que l'inefficacité soit maximale.
Dès lors qu'on en parle, l'ergotropie devient ergologie: analyse par les mots de ce qui se passe de mots. Il n'empêche que l'écriture, si elle ne se substitue pas à l'activité qu'elle transcrit, peut suggérer l'analyse qui se fait dans le travail. C'est ce pari qui est lancé ici.
Pour commencer, je propose qu'on s'intéresse à une activité, qu'on la confronte à une autre très différente a priori. Par exemple, le jardinage et l'informatique: on n'écrit pas sur un écran comme on plante dans un jardin, bien qu'à certains égards...Si l'on considère le plan, il est dans le sol du jardin comme dans l'écran de l'ordinateur...Qu'en pensez-vous?

5 commentaires:

Markovitch a dit…

D’accord pour jouer à ce petit jeu de « confrontation d’activités » (où ça va nous mener, alors là, je n’en ai fichtrement aucune idée ! Mais justement, c’est ça qui me titille).
Avant de commencer, toutefois, et pour éviter de partir dans toutes les directions à la fois, j’aurais deux petites questions à poser.

Question 1 :
Il y a des tas de façons de jardiner, mais quand tu parles de jardinage, Gilles, je vois à peu près à quel genre d’activité tu fais référence.
Il y a aussi des tas de façons de « faire de l’informatique », mais là, a contrario, je ne vois pas immédiatement de quoi tu veux parler. Développement de logiciels ? Conception d’interface ? Utilisation des outils informatiques pour traiter du texte ou de l’image ? Construction d’un blog ? Recherches sur Internet ? Est-ce que je « fais de l’informatique » lorsque je joue à Tomb Raider ou lorsque j’écoute un CD, du seul fait que j’utilise pour cela mon ordinateur ?
Il ne nous viendrait pas à l’esprit (enfin je suppose) de ranger dans les activités de « jardinage » celles qui sont relatives à l’élaboration des « outils » de jardinage (forger une bêche, tisser une toile ou un cordeau, dessiner un carter de tondeuse à gazon, élaborer un nouveau désherbant chimique, etc.). Là, on distingue, si j’ose dire, le travail sur les outils de jardin, du travail sur le jardin.
Or j’ai l’impression que, dans le domaine de « l’informatique » (mot valise s’il en est), on mélange un peu tout. C’est pour ça que je pose la question : à quelle « informatique » souhaite-tu, Gilles, qu’on confronte le « jardinage ».

Question 2 :
Tu dis « si l’on considère le plan, il est dans le sol du jardin comme dans l’écran de l’ordinateur… ». De quel « plan » veux-tu parler ?
Bon, éliminons d’emblée la référence aux « plans » de la TdM. Il reste :
a) le « plan » qui résulte de l’acte de planter des végétaux dans la terre (oh le beau plan de carottes !). Celui-là, à la différence des autres, il pousse !
b) le « plan » qui résulte quant à lui de l’acte de planifier (organiser son activité de jardinage dans l’espace et le temps) et auquel on se réfère quand on travaille sur les plans (de légumes).
c) le « plan » qui résulte de l’acte d’aplanir (rendre plat) notamment pour éviter les phénomènes de ruissellement qui arrachent les plans (de légumes) et mettent à mal le beau plan (de jardin) qu’on avait projeté…

Bon, mon cher Gilles, j’ai fini mon « commenterre ». La balle est dans ton jardin, et puis c’est pas tout ça, mais c’est aujourd’hui samedi et j’ai mes rosiers à tailler…

A bientôt. Markovitch.

Dominique a dit…

Pour moi l'informatique c'est du langage, si l'on veut parler de technique il faut se tourner vers l'électronique non?

Anna a dit…

Longue vie au blog !
Quand on écrit à l’ordinateur, il est plus aisé d’être assis ; par contre, prendre un siège pour jardiner , oblige à remonter le plan du parterre à sa hauteur !
Mais, je peux imaginer mettre l’ordinateur par terre, et alors assise sur mes talons, je peux écrire sur l’écran et planter des choux sans problème !!

Markovitch a dit…

Dominique a dit : « Pour moi l'informatique c'est du langage (…) ». Pour toi, très probablement, puisque tu le dis. Pour moi non (je ne dis pas que tu as tort, je fais seulement le constat d’une divergence).
Le langage, j’ai mon idée dessus, je peux en donner une définition (issue d’ailleurs du même cadre théorique « médiationniste » que celui qui sous-tend l’ergotropie de Gilles) : en très raccourci, j’y vois quelque chose comme l’une des 4 capacités rationnelles qui ensemble font « le propre de l’homme ».
En revanche, pour ce qui concerne l’informatique, là, comme je le disais dans mon post précédent, je nage un peu dans le brouillard. Mais j’y verrais quand même plutôt un « secteur » ou une spécialité professionnelle (ayant statut social, donc). Un peu comme « la charcuterie » ou « la linguistique » en somme…
Qu’il y ait du langage dans l’informatique, soit. Mais que l’informatique soit réductible à « du langage », comme tu le dis, ah ben là non ! Enfin pas pour moi.
La compétence professionnelle de l’informaticien (compétence dont tout le monde ne dispose pas) n’a quand même pas grand chose à voir – à mon avis – avec la capacité de langage des locuteurs que nous sommes tous, dans la mesure où nous appartenons au genre humain…
En ce qui concerne l’électronique, j’ai l’impression que là encore, la différence avec l’informatique est davantage une différence de nomenclature professionnelle que de nature des choses…

Sinon, pour en revenir au sujet « jardinage et informatique » sous le libellé duquel nos commentaires sont répertoriés ici, il y aurait des trucs marrants à explorer là où précisément les deux « activités » s’interpénètrent ou « interfèrent ».

Par exemple quand l’informatique s’invite dans l’activité du jardinier, ça peut donner : la gestion informatique de la lumière de la température et de l’hygrométrie sous les serres ; la vidéo surveillance des jardins (pas envie qu’on me vole mes tomates ! et puis si je veux les regarder pousser…) ; les newsgroups et webforums Internet consacrés au jardinage (« Bonjour, je m’appelle Markovitch et j’aimerais savoir comment vous faites pour vous débarrasser des cochenilles sur un Oranger du Mexique. Merci pour vos conseils ») ; les achats de semences ou de plans sur Internet, etc.

Mais l’inverse peut se produire aussi, autrement dit, le jardinage peut s’inviter dans l’activité informatique. Par exemple il y a des tas de jeux vidéo pour enfants qui permettent à ces derniers de cultiver (travailler la terre, semer, regarder pousser, arroser, récolter, etc.) un jardin virtuel, voire de le faire cultiver par des personnages virtuels (jeux où il s’agit de fonder des « civilisations » capables de se protéger, de se nourrir, etc.).

Et encore, je ne parle pas des biotechnologies qui nous arrivent et qui pourraient bien venir glisser des micro-éléments organiques « génétiquement modifiés » dans nos ordinateurs (éléments dont il faudra bien faire quelque part la « culture », à moins que José s’en mêle)…

Bref, il pourrait bien y avoir, un de ces quatre, autant d’informatique dans le jardinage que de jardinage dans l’informatique !

Markovitch a dit…

Et tiens, lorsque j'écrivais mon dernier commentaire, il y a une dizaine de jours, je n'avais pas connaissance de cette découverte japonaise (cf. article de l'AFP ci-dessous, qui vient de paraître).

Finalement ce n'est peut-être pas le jardinage, mais plutôt l'élevage (quoiqu'à ce niveau-là d'organisation de la vie, je ne sais plus trop si on est encore dans le végétal ou déjà dans l'animal) qui est en passe de s'inviter dans nos ordinateurs... Jugez-en plutôt :

Des chercheurs japonais mutent une bactérie en carte-mémoire
2007-02-23 11:27:06 - TOKYO (AFP)© AFP
"Une équipe de chimistes japonais de l'Institut des sciences du vivant de l'Université de Keio (IAB) affirme avoir développé un procédé qui permet de conserver d'importants volumes de données numériques durant des siècles sur les gènes d'un organisme vivant, telle qu'une bactérie. Cette forme de mémorisation d'informations numériques pourrait permettre à un laboratoire de stocker des données de propriété intellectuelle sur des organismes vivants génétiquement modifiés, selon les chercheurs.
"Les bactéries, et autres mini-organismes qui se reproduisent sur la base d'un code génétique défini, constituent des éléments potentiels de stockage de données qui suscitent un grand intérêt dans la communauté scientifique", a expliqué l'équipe japonaise dans les conclusions de ses travaux récemment publiés aux Etats-Unis. "Par rapport aux disques durs et aux cartes-mémoires, ils sont extrêmement petits mais peuvent stocker sur leurs gènes des données en grande quantité sur une très longue période", selon les chimistes japonais. "Nous avons développé une technologie qui permet de stocker des informations en plusieurs endroits sur les gènes d'une bactérie, ce qui permet notamment de diminuer les risques de destruction des informations à la suite des mutations génétiques survenant au fil du temps", ont-ils précisé.
Pour ses tests, l'équipe a "gravé" sous forme cryptée sur une bactérie non pathogène ("Bacillus subtilis") un bref message écrit en utilisant un procédé qui permet grosso modo de transcrire des données alphanumériques en éléments chimiques. Ces composés chimiques sont inscrits ensuite sur une séquence de gènes de la bactérie. Pour retrouver les données, il suffit selon les chercheurs de comparer le génome normal de la bactérie et celui modifié, les différences révélant le message crypté. Sur la base de simulations informatiques, l'équipe japonaise assure que la "Bacillus subtilis" est une espèce satisfaisante pour la conservation à long terme de données volumineuses."

D'un côté, donc, il y a l'organisme qui vient participer au fonctionnement de la machine (cf. l'article ci-dessus, mais finalement, c'était peut-être déjà le cas avec les chevaux ou les boeufs de trait, non ?), de l'autre il y a la machine qui vient participer au fonctionnement de l'organisme (c'est toute la dimension de la "prothèse", mais je me demande si une simple veste dont on se couvre pour ne pas attraper froid n'en fait pas partie...).

Bon, ça nous épate de voir qu'une bactérie peut jouer la carte à puce, ou inversement, qu'un "pace maker" peut nous donner le rythme, mais au fond, les "technorganismes" ne datent pas d'aujourd'hui.